Économie de guerre : les conséquences sur votre épargne

Lors de son allocution télévisée du 5 mars 2025, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la nécessité de « renforcer l’indépendance du pays en matière de défense et de sécurité » face à la menace russe, marquant un tournant vers la mise en place d’une économie de guerre en France. Face aux tensions géopolitiques croissantes, le financement de l’effort de défense militaire devient une priorité nationale. Mais où l’État trouvera-t-il les fonds nécessaires pour tout cela ? L’option d’une augmentation des impôts ayant été publiquement écartée, une autre piste se dessine, suscitant l’inquiétude : celle de puiser dans l’épargne des Français.

Cette perspective soulève des questions quant à l’avenir de nos placements les plus populaires, tels que le Livret A, l’assurance vie ou encore les plans d’épargne retraite. Comment cette potentielle mobilisation de l’épargne nationale pourrait-elle impacter concrètement vos économies ? Quelles seraient les conséquences directes sur la disponibilité de votre argent et les rendements de vos placements ?

Qu’est-ce que l’économie de guerre ?

L’économie de guerre se définit comme une réorganisation des ressources nationales en vue de soutenir un effort militaire ou de faire face à une crise géopolitique majeure. Elle se traduit généralement par une augmentation massive des dépenses publiques, notamment dans les secteurs de la défense et de l’énergie. Dans une économie de guerre, les gouvernements instaurent souvent des mesures exceptionnelles, telles que le contrôle des prix, des salaires, voire le rationnement de certains produits de première nécessité.

Historiquement, ce modèle économique a été observé lors de conflits tels que les deux guerres mondiales, où les États belligérants ont dû réorienter leur production industrielle vers l’armement. Cela étant dit, tous les pays engagés dans un conflit, sur le point d’entrer en guerre ou menacés par une guerre imminente mettent en place une économie de guerre. Cette transformation économique vise à mobiliser toutes les ressources nationales pour soutenir l’effort militaire et assurer la survie du pays.

Financer l’effort de défense en piochant dans l’épargne

Face à la menace russe grandissante et pour renforcer l’indépendance du pays en matière de défense, la France adopte une stratégie économique équilibrée. Plutôt que d’imposer un contrôle des prix, des salaires ou un rationnement des produits de première nécessité, mesures jugées excessives dans le contexte actuel, comme le font certains pays en guerre, l’État choisit une approche plus mesurée : puiser dans l’épargne des Français, tels que le Livret A, l’assurance vie ou encore les plans d’épargne retraite.

Cette solution évite d’alourdir la fiscalité ou de perturber le marché, tout en permettant de financer l’industrie militaire et les capacités stratégiques du pays. Les ménages sont ainsi associés à l’effort national sans subir de restrictions drastiques. Une manière pragmatique de concilier sécurité économique et renforcement de la défense, dans un contexte international tendu.

Cependant, une bonne partie des Français refusent que leur épargne serve à financer la défense. En effet, près de 6 Français sur 10 (38 %) s’opposent fermement à l’idée que leur épargne soit utilisée à cette fin, souligne Gaël Sliman, président de l’institut Odoxa.

Seuls 28% accepteraient que leur épargne soit utilisée pour le financement de la défense nationale, même si le rendement est inférieur à celui du Livret A, soit 2,40% net. Quant aux 34 % restants, ils ne sont pas totalement fermés, à condition toutefois que l’investissement leur rapporte davantage que les 2,40% net de rendement proposé par le livret A.

Manifestation contre la guerre

Les conséquences d’une ponction de l’épargne des Français

Voici les conséquences d’une telle mesure :

Utilisation des fonds (Livret A, assurance vie, …) vers d’autres postes de dépenses liées à la défense

Traditionnellement, l’épargne des Français, celle placée sur les Livrets A, l’assurance vie ou encore les plans d’épargne retraite, sert à financer des secteurs clés de l’économie et de la protection sociale. Les fonds du Livret A, par exemple, sont principalement destinés au logement social, permettant la construction et la rénovation de HLM. L’assurance vie, quant à elle, alimente les marchés financiers et finance les entreprises françaises ainsi que les emprunts d’État. Quant aux plans d’épargne retraite, ils sont investis dans des fonds de long terme pour assurer les pensions futures des épargnants.

Mais le gouvernement envisage aujourd’hui de rediriger la majeure partie de ces fonds vers des dépenses militaires, telles que :

  • Moderniser l’armée (achat d’équipements, drones, blindés, avions de combat).
  • Renforcer la cybersécurité face aux attaques informatiques.
  • Augmenter les stocks d’armement et de munitions.
  • Financer la production d’armes en France pour réduire la dépendance aux importations.
  • Renforcement des effectifs et la formation des troupes.
  • Des opérations militaires et le maintien de la paix.

Parmi les conséquences négatives de cette réorientation des fonds, il y a notamment :

  • Le ralentissement ou report de projets sociaux et environnementaux
  • La diminution des investissements dans des secteurs clés comme l’innovation civile, l’éducation ou les infrastructures non militaires
  • La diminution de la confiance des épargnants

Réduction de la rentabilité des produits d’épargne (Livret A, assurance-vie, PER)

Le raison est simple : si une part des fonds est directement utilisée pour financer les dépenses publiques, cela réduit mécaniquement les sommes disponibles pour générer des intérêts.

Prenons l’exemple du Livret A, l’un des placements les plus populaires. Ce livret est censé offrir une rémunération sécurisée et nette d’impôt. Mais si l’État décide d’en détourner une partie vers des investissements non rentables (comme des dépenses militaires urgentes) qui ne génèrent pas de profits, le rendement pourrait être gelé baissera obligatoirement, malgré l’inflation. Même logique pour l’assurance-vie : une ponction sur les fonds investis, ou une obligation de réorienter les supports vers des obligations d’État à faible ou à zero rendement, nuirait directement à la performance du contrat.

Quant aux PER, ils sont en grande partie investis en actions et obligations. Si l’État ponctionne une partie des capitaux pour financer ses dépenses militaires, les gestionnaires de fonds se trouvent contraints de réduire leurs engagements dans des actifs rentables au profit de placements plus sécurisés (mais moins rémunérateurs).

Toutefois, certains experts estiment que l’impact sera limité, car les fonds d’épargne ne seraient pas « confisqués », mais simplement réorientés vers des emprunts d’État. Donc, une baisse de rentabilité est plausible, mais pas systématique.

Impact sur la disponibilité des fonds

Face à l’opposition d’une partie de la population (38 % des épargnants refusent catégoriquement cette mesure), l’État pourrait être tenté de bloquer ou limiter les retraits pour éviter une fuite massive des capitaux.

Par ailleurs, si la menace russe persiste et que les besoins de financement militaire augmentent, le gouvernement pourrait imposer des plafonds de retrait, des délais de libération des fonds ou même des gels temporaires sur certains produits d’épargne, comme cela a déjà été envisagé dans d’autres contextes de crise. Cela permettrait à l’État de maintenir des liquidités disponibles pour ses priorités stratégiques, mais au détriment de la liberté d’accès à son argent pour les épargnants.

Une telle mesure, si elle était mise en place, pourrait éroder la confiance dans les placements réglementés et pousser certains à se tourner vers des actifs moins contrôlés (crypto, or, immobilier), avec des risques accrus. La question reste de savoir jusqu’où l’État serait prêt à aller pour garantir le financement de sa politique de défense.

impacts d'une économie de guerre sur l'épargne

Économie de guerre : les autres conséquences sur votre épargne

Quel que soit le mode de financement choisi (prélèvement sur l’épargne, hausse des impôts ou endettement public), une économie de guerre pèse inévitablement sur les finances des ménages. Les Français verront leur pouvoir d’achat diminuer et leurs placements perdre en valeur, sous l’effet de mesures d’urgence et de déséquilibres économiques.

L’inflation, qui va éroder l’épargne

L’économie de guerre génère une pression inflationniste par plusieurs mécanismes. Les dépenses publiques explosent pour financer les armements, les infrastructures militaires et les secours d’urgence, ce qui accroît la demande globale. Dans le même temps, les ressources sont réorientées vers l’industrie militaire, ce qui limite l’offre de biens essentiels comme l’énergie ou les denrées alimentaires. Cette tension entre demande élevée et offre réduite pousse les prix à la hausse.

Pour l’épargne des ménages, les conséquences sont sévères. L’inflation érode le pouvoir d’achat de l’argent placé sur des livrets ou des comptes courants, surtout si les taux d’intérêt réels (après inflation) deviennent négatifs. Les obligations à taux fixe perdent également de leur valeur. L’immobilier et les actifs tangibles (or, matières premières) constituent d’excellentes refuges, mais restent inaccessibles pour beaucoup.

La dépréciation monétaire

Les conflits affaiblissent la confiance dans la monnaie nationale. Les mesures économiques contestables, comme celle qui sera prise par l’Etat, aboutissent généralement à une fuite des capitaux, ce qui causera la dépréciation de la monnaie. Si la situation perdure, une devise dépréciée renchérit l’inflation importée. Pour les épargnants, les placements libellés en devises étrangères (dollars, francs suisses) seront attractifs, mais ils comportent un risque de change. Les fonds en euro, bien évidemment, proposeront des rendements peu intéressants, dans le contexte où la menace de guerre actuelle concerne toute l’Europe.  

Les fonds investis à l’étranger protègent partiellement, mais les ménages moins avertis subissent des pertes en cas de mauvaise gestion.

Les restrictions financières

En temps de guerre ou de tensions, les États imposent parfois des contrôles des capitaux et limitent les transferts à l’étranger ou les retraits massifs. Ces mesures bloquent une partie de l’épargne, empêchant les ménages de réagir rapidement à la crise. Les comptes bancaires peuvent être gelés partiellement, et les investissements à long terme deviennent illiquides.

Cette perte de flexibilité force les épargnants à conserver des actifs peu performants, tandis que les opportunités de diversification s’amenuisent. La méfiance envers le système financier pousse aussi à la thésaurisation, ce qui aggrave les effets de l’inflation.

Stratégies pour protéger son épargne

Face à ces défis, la diversification reste la meilleure arme pour sécuriser son épargne. Voici les différentes possibilités :

Garder une réserve de liquidités sur des livrets réglementés

En période d’incertitude économique, disposer de liquidités accessibles offre une sécurité immédiate. Les livrets réglementés (Livret A, LDDS) présentent des avantages : exonération fiscale, capital garanti et retraits sans pénalités. Cette stabilité permet de faire face aux urgences sans dépendre des marchés volatils. Une épargne disponible limite aussi le recours au crédit en cas de coup dur. Enfin, ces supports évitent l’exposition directe aux risques financiers, tout en générant un rendement modeste mais prévisible.

Considérer les métaux précieux comme l’or comme valeur refuge

L’or conserve sa valeur malgré les crises, protégeant contre l’inflation et les chocs économiques. Contrairement aux devises ou aux actifs financiers, son cours reste stable sur le long terme. Physique ou via des ETF spécialisés, il diversifie un portefeuille, réduisant la dépendance aux performances boursières. Historiquement, les métaux précieux servent de couverture lors des tensions géopolitiques ou des krachs. Sans risque de contrepartie, l’or constitue une assurance tangible en période de turbulences.

Être prudent sur les marchés boursiers, particulièrement volatils

Les marchés actions subissent d’importantes fluctuations en économie de guerre, amplifiées par les incertitudes politiques ou sectorielles. Privilégier des secteurs résilients (défense, énergie, santé) ou des valeurs à dividendes stables diminue le risque. Une allocation raisonnable en actions, ajustée au profil de risque, évite les pertes brutales. La patience et la sélectivité deviennent essentielles pour naviguer dans ce contexte instable.

Éviter de s’endetter à taux variables

Les taux variables exposent à une hausse soudaine des mensualités si les banques centrales relèvent leurs taux pour contrer l’inflation. En économie de guerre, cette situation devient probable. Privilégier les crédits à taux fixes garantit des échéances stables, indépendantes des aléas financiers. Réduire l’endettement global limite aussi la vulnérabilité en cas de perte de revenus. Enfin, sans dette variable, l’épargnant maîtrise mieux ses flux de trésorerie, crucial pour anticiper les crises.

Diversifier géographiquement ses placements

Concentrer ses investissements dans une seule zone géographique accroît le risque en cas de crise locale (récession, sanctions, instabilité). Répartir son patrimoine entre plusieurs régions (Europe, Amérique, Asie) équilibre l’exposition aux chocs. Certains marchés émergents offrent des croissances plus robustes, compensant les ralentissements ailleurs. Les fonds internationaux ou les ETF globaux facilitent cette approche. Une diversification géographique renforce la résilience du portefeuille, profitant des opportunités tout en atténuant les risques systémiques.

L’ouverture d’un compte bancaire à l’étranger

Un compte à l’étranger sécurise une partie de son capital contre les risques politiques ou monétaires nationaux. Certaines juridictions offrent une fiscalité avantageuse, une stabilité juridique et une meilleure confidentialité. En cas de contrôle des changes ou de gel des actifs, cet accès externe préserve la liquidité. Choisir des pays solides (Suisse, Singapour) minimise les risques bancaires.

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